Une illustration de la Semper Augustus, la tulipe la plus chère des Provinces-Unies.

La Tulipomanie est une bulle économique apparue dans les Provinces-Unies des Pays-Bas au XVIIème siècle. Au plus haut de la “folie des tulipes”, un seul bulbe pouvait s’échanger contres des hectares de terre, des marchandises valant plusieurs milliers de florins ou encore des maisons !

• La Tulipe est une plante bulbeuse, c’est-à-dire qu’à partir d’une graine se développe un bulbe, qui lui même produit une plante au bout de 7 à 12 ans !
• Mais le pire, c’est que la tulipe ne fleurit qu’entre avril et mai, et pour une semaine seulement ! Une fois la plante disparue, le bulbe mère produit d’autres bulbes, qui vont produire des fleurs à leur tour.
• Et peut-être avons là, en germe, l’une des raisons pour lesquelles la tulipomanie ne pouvait pas continuer indéfiniment : bien cultivée, avec les informations suffisantes, les tulipes pouvaient se démultiplier plutôt rapidement ! Plus de tulipes disponibles signifie un prix plus accessible.
• La raison pour laquelle la tulipomanie a duré si longtemps s’explique donc par le manque d’informations disponibles à l’époque sur les plantes bulbeuses. Et pour cause, l’étude scientifique des fleurs venait à peine de débuter.

• Charles de L’Écluse, également appelé Carolus Clusius (1526 – 1609) – les noms latins étaient à la mode à l’époque – est aujourd’hui considéré comme le fondateur de l’horticulture moderne grâce à ses nombreux travaux précurseurs sur l’étude des fleurs. Il est en effet le premier à étudier scientifiquement les végétaux et à les classer par espèces.
• Grand spécialiste réputé dans tout l’Occident, c’est à lui qu’on s’adresse pour identifier ce drôle d’oignon turc (pas mauvais au goût, parait-il !) duquel, semble-t-il, pousse une jolie fleur.
• Il va ainsi étudier de près la tulipe et identifier la maladie qui touche ses bulbes (voir “Le virus de la tulipomanie”, dans l’onglet “Le saviez-vous”), déclenchant sans le savoir la mode des tulipes.
• Voyageant sans arrêt, il tient des correspondances soutenues toute sa vie durant : c’est par le système postal (qui coûtait pourtant très cher à l’époque) qu’il distribue de nombreux bulbes, notamment de tulipes, à travers toute l’Europe (le fait que Clusius parlait neuf langues devait aider !). C’est pourquoi il est considéré aujourd’hui comme l’introducteur de la tulipe en Europe, quand bien même certains fleuristes la cultivaient déjà plusieurs années auparavant.

• L’auberge du Raisin d’Or n’a pas été inventé pour les besoins de l’épisode ! Située en réalité à Haarlem, une ville située à l’ouest d’Amsterdam, elle est l’une des plus importantes auberges de la ville.
• Le tabac, importé des Amériques et dont on commence tout juste la culture dans les Provinces-Unies, rempli ses pièces d’une fumée constante (on pensait à l’époque que le tabac protégeait des vers et de la peste).
• La bière y est peu chère (1 florin pour une soirée d’ivresse) et la sobriété rare. Pour la défense des hollandais, il est à préciser que comme beaucoup d’endroits, l’eau potable est quasiment inexistante à cause des nombreuses blanchisseries déversant leurs produits dans les canaux. La bière reste donc la seule boisson désaltérante accessible. Il n’est pas anodin que le commerce de la tulipe ait lieu presque exclusivement dans ces auberges : le commerce doit être particulièrement simplifié après quelques litres d’alcool.
• Mais ne pensez pas une seconde qu’il n’y a aucune rigueur dans le commerce de la tulipe ! Un secrétaire est chargé de noter les ventes faites à sa table et un notaire est souvent sollicité pour officialiser un accord de vente.

• La Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales, c’est l’Amazon du XVIIème siècle !
• Elle importe d’Orient des biens qui étaient alors très rares, comme de la porcelaine de Chine, du thé, du café, ou encore des bulbes de tulipe !
• Elle est l’une des toutes premières entreprises capitalistes de l’histoire. N’importe qui peut acheter des actions de l’entreprise. Cela permet de financer les voyages coûteux, et promet un retour sur investissement très important ! Si, toutefois, le bateau ne coulait pas durant une tempête ou n’était pas capturé par des pirates !

Au XVIème et XVIIème siècle se développe le commerce mondial tel qu’on le connaît aujourd’hui. Des biens s’échangent continuellement entre l’Asie et l’Europe, l’Afrique et le Nouveau Monde (les Amériques). L’une des entreprises devenue le symbole de ce commerce est la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales, qui a fait la fortune des Provinces-Unies des Pays-Bas. Elle ouvre des routes maritimes sûres et prospères en Asie, toujours utilisées aujourd’hui ! Café, thé, estampes… tulipes ! On s’échange de tout ! C’est le début de la mondialisation.

La consommation ostentatoire, c’est acheter un objet pour être admiré par les autres.

Le sociologue Thorstein Veblen en a donc tiré une conclusion : plus un produit coûte cher, et plus il fait envie, qu’importe son utilité !

C’est logique non ? Si je veux être admiré, il faut y mettre le prix. Les marques de luxe ne fonctionnent que sur ce principe !

“Spéculer” est un terme que l’on peut remplacer par “faire un pari”. Un spéculateur achète un objet en faisant le pari qu’il gagne en valeur avec le temps. C’est aussi simple que ça !

On parle de bulle économique quand on pense que les marchés donnent trop de valeur à un bien ou un objet par rapport à sa valeur réelle. C’est une conséquence directe de la spéculation, car on achète ce bien en espérant qu’il gagne rapidement en valeur.

Mais c’est quoi, la valeur réelle ? Comment estimer la valeur d’un bien ? C’est une question difficile ! C’est pourquoi les économistes bataillent toujours pour savoir si le bitcoin, Amazon, Apple, Google sont des biens surestimés, et donc de possibles bulles économiques !

Mais c’est le propre des bulles ! On sait qu’il s’agit de bulles uniquement quand elles explosent !

Il est quasiment impossible de comparer les prix de l’âge d’or Provinces-Unies avec ceux d’aujourd’hui. Un homme considéré comme pauvre aujourd’hui en occident vit mieux que bien des bourgeois d’alors. Cependant, pour vous donner une idée du prix d’une tulipe, voici quelques prix de l’époque :

• Un tondeur d’animaux (pour fabriquer des étoffes) : environ 1 florin par jour de salaire
• 150 litres de brandy français : 60 florins
• Un lit, avec matelas et draps : 100 florins
• 2 tonnes de beurre : 192 florins
• 8 cochons bien gras : 240 florins
• Un bateau : 500 florins
• Le salaire de Clusius à l’université de Leiden : 750 florins
• Le salaire moyen d’un marchand : 1500 florins
• Le salaire moyen d’un marchand prospère : 3000 florins
• Le prix du bulbe de tulipe le plus cher jamais vendu en 1637 : 5200 florins

Vous pensez que les tendances et les modes sont récentes dans l’histoire de l’humanité ? Que néni ! Au plus fort de la crise de la tulipomanie, les fleuristes faisaient des pieds et des mains pour trouver toujours plus de nouvelles espèces de tulipe et lancer une nouvelle mode profitable. Jusqu’au jour où une légende émergea : un fleuriste aurait réussi à produire une tulipe… noire ! Cela aurait été le Graal pour bien des marchands ! Mais cette tulipe est restée à l’état d’histoire de comptoirs, réimaginée ensuite par Alexandre Dumas dans son roman La Tulipe Noire.

Un virus serait peut-être à l’origine de la tulipomanie. Je ne parle pas du virus de la spéculation ! La présence d’un potyvirus (ou virus végétal) dans certains bulbes créent des tulipes aux couleurs très vives et multicolores. Ces fleurs, remarquées pour leur beauté, créent rapidement l’engouement autour de la tulipe, attisent la spéculation et affolent le marché de toutes les tulipes (atteintes du virus ou non). Il n’est donc pas certain que la tulipomanie ait eu lieu sans ce virus !

Contrairement à la légende, la tulipomanie n’a pas créée ce qu’on appelle une “crise économique” car la plupart des vendeurs de bulbes étaient des amateurs qui n’avaient aucune connexion avec les marchés officiels. Si il y a bien eu des marchands ruinés par cette bulle, l’économie des Provinces-Unies n’en n’a guère été affectée !

Le commerce de la tulipe avec la Turquie a profondément influencé les Pays-Bas. Aussi n’est-il pas rare de trouver des stèles et des plaques à l’effigie de la fleur dans le pays, posées par de riches commerçants qui ont fait fortune grâce à elle. D’ailleurs, saviez-vous que le chirurgien présent dans le célèbre tableau de Rembrandt, “La leçon d’anatomie du Docteur Tulp”, ne s’appelle pas “Tulp” mais Claes Pieters ? Ce dernier a pris le pseudonyme de “Tulp” en hommage à sa passion pour la tulipe !

La tulipomanie était-elle un simple “jeu de hasard” ? C’est ce qu’ont affirmé les autorités néerlandaises, qui n’ont pas obligé les acheteurs de tulipes à honorer leurs dettes après l’éclatement de la bulle. N’est-ce pas, après tout, une définition honnête de la spéculation ? Un simple jeu de hasard…

• 1550 : le jardinage est à la mode en Europe du Nord.
• Vers 1560 : la tulipe, venue de Constantinople, commence à être cultivée en occident.
• 1593 : le botaniste Carolus Clusius, professeur au jardin botanique de Leyde, étudie la tulipe.
• Début XVIIème : de fleur connue seulement des amateurs, la tulipe devient un objet de luxe. Tous les bourgeois se doivent d’en avoir une dans leur jardin !
• 3 février 1637 : après une montée affolante des prix en quelques mois, le prix de la tulipe chute brutalement en quelques heures ! C’est l’explosion de la bulle de la tulipe.